Fête de l'Europe
Il y a 70 ans, Robert Schuman, ministre français des affaires étrangères, présentait une proposition d’organisation de l’Europe, plus connue sous le nom de « déclaration Schuman » (texte intégral ici), considérée comme l’acte de naissance de l’Union européenne.
On en retient généralement ceci : L'Europe ne se fera pas d'un coup, ni dans une construction d'ensemble : elle se fera par des réalisations concrètes créant d'abord une solidarité de fait. Ce qui a permis de justifier à bon compte les « petits pas » de la construction européenne…
Hélas on oublie cela : La mise en commun des productions de charbon et d'acier assurera immédiatement l'établissement de bases communes de développement économique, première étape de la Fédération européenne (c’est moi qui souligne).
L’Union Européenne a donc naturellement choisi le 9 mai pour commémorer l'évènement qualifié de journée de l’Europe ou fête de l’Europe.
Joli symbole en effet, mais aujourd’hui c’est plutôt la « fête à l’Europe », brocardée, critiquée de toutes parts, méprisée par les grandes puissances, voire considérée comme morte selon les bons médias russes.
Les citoyens de l’UE eux-mêmes (qui souvent ne savent même pas qu’ils le sont) dénoncent sa faiblesse et regrettent son inaction apparente en temps de crise.
Tandis que, dès 1946, Winston Churchill appelait de ses vœux les États-Unis d’Europe, nous nous sommes égarés dans une construction alambiquée conjuguant l’union sans la supranationalité, la monnaie unique sans les instruments politiques (d’où la récente décision de la cour constitutionnelle allemande remettant en cause les décisions de la Banque centrale européenne). Entre fédéralisme et souveraineté nationale, nous tâtonnons et cherchons vainement une troisième voie.
Si l’UE est si peu visible, si sa voix est inaudible dans le monde, c’est d’abord et surtout parce qu’elle n’a pas précisément les moyens juridiques de l’autorité politique.
Elle ne dispose que des pouvoirs que veulent bien lui accorder les États-membres qui la composent, étant d’ailleurs rappelé que tout changement d’envergure suppose leur unanimité. Parfait pour la paralysie ou le fade compromis.
Et pourtant, malgré tous ces handicaps, elle a réalisé des prouesses : ses traités, chartes et autres instruments communautaires sont les plus avancés du monde et elle bénéficie du modèle social le plus protecteur de la planète.
Mais il est clair que la fragilité institutionnelle de l’UE menace tous ses acquis et nourrit l’euroscepticisme.
L’homme de la rue comprendra toujours mieux l'égoïsme sacré du nationalisme que l'altruisme sacré du sentiment européen, parce qu'il est toujours plus facile de reconnaître ce qui vient de soi que de comprendre avec respect et générosité ce qui vient du voisin (Stefan Zweig, 1933).
Le statu quo n’est pas tenable et il est absolument vital que l’Union européenne se fortifie dans le concert des nations, tant en son sein pour que cesse la cacophonie, qu’au regard du reste du monde pour qu’elle soit respectée et entendue.
L’avenir de l’Union n’est pas dans le énième toilettage des traités et le bricolage hasardeux du Conseil européen (les chefs d’État et de gouvernement) mais dans sa transformation en État fédéral doté d’une constitution véritablement démocratique conciliant ainsi efficacité supranationale et spécificité régionale.
70 ans après la première étape, d’où viendra le sursaut salvateur ?