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Les états d'âme de MZ

Ancien Chargé de mission international à la Cfdt, Chargé de cours à Sciences Po sur le dialogue social européen, conférencier occasionnel, je partage certains de mes états d'âme avec mes frères et sœurs en humanité.

La lettre et l'esprit sain

Certaines réactions à mon article précédent On achève bien “le machin” m’ont étonné parce qu’elles ignoraient ce qui se trouvait derrière les mots dont elles méconnaissaient de surcroit le commentaire que j’en avais fait.

Il est tentant de s’en tenir à la lettre en lui donnant le sens commun actuel tout en éludant son contexte et c’est ainsi que “tendre l’autre joue” ne s’inscrit plus dans la continuité progressiste de “œil pour œil, dent pour dent” et que “aimer ses ennemis” apparaît comme une lâche incongruité.

Notre époque adore la vitesse qu’elle confond souvent avec la précipitation ; elle ne se donne plus le temps du discours et préfère les petites phrases, de préférence assassines, sorte d’expression rabougrie, pis-aller de la pensée accomplie.

Submergés par le flot incessant de communications en tous genres, on a tendance à lire “en diagonale” (ça m’arrive aussi bien entendu) et c’est ainsi que la signification profonde des mots nous échappe ou, pire, qu’on les comprend de travers.

Méfions-nous de nos réflexes, prompts à réagir dans l’instant, souvent mus par l’envie d’en découdre, à l’instar de ce que j’observe sur les réseaux sociaux dont le caractère inflammable est désormais patent : ce qui pourrait être un lieu de débat ouvert ressemble à une foire d’empoigne où l’insulte tient lieu d’argumentaire.

Il faut fournir un effort de lenteur qui coûte pour dépasser la lettre dans sa primaire apparence et gratter précautionneusement les mots pour en atteindre l’esprit. Nous sommes contraints d’interpréter ou de renoncer à lire, car les lettres alignées ne recouvrent sens qu’à la lumière de nos idées et de nos songes.

J’aimerais faire l’éloge de la lenteur, mais notre temps ne s’y prête guère, sans doute effrayé par ses propres débordements : “Notre époque est obsédée par le désir d’oubli et c’est afin de combler ce désir qu’elle s’adonne au démon de la vitesse ; elle accélère le pas parce qu’elle veut nous faire comprendre qu’elle ne souhaite plus qu’on se souvienne d’elle ; qu’elle se sent lasse d’elle-même ; écœurée d’elle-même ; qu’elle veut souffler la petite flamme tremblante de la mémoire.”(1)

Ils prolifèrent les sentencieux qui n’ont rien à dire, et la vanité des commentaires est celle des luminaires éteints.

Voyez-vous, si j’écris, ce n’est pas pour passer le temps, et “Je n’écris pas pour dire que je ne dirai rien, je n’écris pas pour dire que je n’ai rien à dire ; je ne sais pas si ce que j’aurais à dire n’est pas dit parce qu’il est l’indicible.”(2)

D’aucuns ne manqueront pas de souligner mon penchant “donneur de leçon”…
J’assume !

 

  1. La lenteur, Milan Kundera (1995)
  2. W ou le Souvenir d'enfance, Georges Perec (1975)
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