La peur de l'étranger
Je voue, depuis longtemps, une fervente admiration à Gustave Flaubert et je plonge régulièrement avec délice dans sa foisonnante correspondance.
Il appréciait les "minorités" et la haine des bourgeois de Rouen à l'égard des bohémiens le révoltait. Il l'écrit à George Sand dans une lettre du 12 juin 1867 :
« Je me suis pâmé, il y a huit jours, devant un campement de Bohémiens qui s’étaient établi à Rouen. Voilà la troisième fois que j’en vois et toujours avec un nouveau plaisir. L’admirable, c’est qu’ils excitaient la haine des bourgeois, bien qu’inoffensifs comme des moutons. Je me suis fait très mal voir de la foule en leur donnant quelques sols. Cette haine-là tient à quelque chose de très profond et de complexe. On la retrouve chez tous les gens d’ordre. C’est la haine qu’on porte au Bédouin, à l’Hérétique, au Philosophe, au solitaire, au poète, et il y a de la peur dans cette haine. Moi qui suis toujours pour les minorités, elle m’exaspère. Du jour où je ne serai plus indigné, je tomberai à plat, comme une poupée à qui on retire son bâton. »
150 ans plus tard, la fulgurante réflexion de Flaubert demeure d'une brûlante actualité...