La manifestation organisée dimanche dernier à l’appel d’une centaine d’associations, organisations syndicales et partis politiques de gauche, pour le soixantième anniversaire du massacre d'Algériens venus manifester pacifiquement dans la capitale, a rassemblé plusieurs centaines de manifestants (Le Monde du 18/10/2021), soit au mieux une dizaine par organisation si j’ose dire… Je ne fais d’humour, je veux simplement souligner que la tragédie du 17 octobre 1961 ne soulève pas plus d’indignation que la dictature sanitaire ou pas plus d’intérêt que le coût du carburant.
La France n’est pas le pays des droits de l’homme. La France est le pays de la déclaration des droits de l’homme, a dit Robert Badinter à l’occasion du quarantième anniversaire de l’abolition de la peine de mort (cf. ici l’entretien réalisé par Amnesty France en mars 2021).
Le président Macron aime les déclarations, mais il n’a pas fait de discours lors de la cérémonie de recueillement en bord de seine et c’est par un communiqué de l’Élysée qu’il s’est exprimé : Les crimes commis cette nuit-là sous l’autorité de Maurice Papon sont inexcusables pour la République (communiqué officiel intégral ici).
Le sinistre Papon, évidemment impliqué dans la répression sanglante du 17 octobre 1961, de même qu’il l’avait été en juillet 1942 dans la déportation des juifs de Gironde, de même encore qu’il le sera dans les violences policières de la manifestation du 8 février 1962 contre l’OAS (8 morts au métro Charonne), et j’en passe… n’avait pas agi seul mais sous couvert des plus hautes autorités politiques du moment.
Le communiqué de ce 17 octobre 2021 est utile et constitue une réelle avancée. Mais, est-ce suffisant ? En tout cas, c’est déjà trop pour tous ceux qui "veulent en finir avec ce que Marine Le Pen appelle ces repentances à répétition. Celles-ci deviennent insoutenables, a estimé la candidate du RN à la présidentielle. Moi, je ne donnerai pas dans la repentance, a promis en écho Michel Barnier. On doit cesser de s’excuser en permanence de notre histoire, a expliqué l’ancien commissaire européen. Il y a des ombres et des lumières dans cette histoire, plus de lumières que d’ombres. C’est une grande histoire que celle de la France, et moi, j’en suis fier." (Le Monde du 18/10/2021).
La guerre d’Algérie, de même que l’ensemble du passé colonial français conserve une image exotique qui fleure encore bon l'enivrant parfum nostalgique d’un empire prestigieux.
Quand bien même seraient satisfaites les revendications des manifestants de dimanche dernier (reconnaissance du crime d’état, ouverture réelle complète des archives, etc.), la question essentielle d’aujourd’hui est celle du regard complaisant porté sur le passé colonial et, subséquemment, celle de la croyance en un modèle occidental meilleur que les autres, quand ce n’est pas celle d’une race supérieure aux autres.
Tant que nous persisterons à considérer les bienfaits de la colonisation, voile pudique masquant l’atroce tragédie des populations humiliées par l’arrogante démarche civilisatrice, il sera vain d’espérer que soient éradiquées les racines profondes du racisme et de la xénophobie.
Pour en savoir plus : "Ici on noie les Algériens, la photo oubliée du 17 Octobre 1961" (Arrêt sur images-2017).