Je ne parle pas ici de l'immense richesse des tessitures vocales, mais de l'éventail des propos tenus ici ou là, d'une ampleur incroyable, dans une période de cauchemar éveillé. On a beau se pincer, force est de constater que c'est la réalité.
Il y a la voix du président Trump, qui ne cesse d'éructer des stupidités nourries par la haine de tout ce qui ne se prosterne pas devant sa suffisance, flot continu de souillures pour la communauté humaine, suscitant l'enthousiasme de la foule des crétins de même espèce ou de malheureux égarés, qui encourage tous les apprentis dictateurs à sortir de l'ombre, sous le regard amusé de ceux qui sont déjà établis.
Il y a les petites voix de lâcheté ordinaire, qui se moquent de celles et ceux qui tentent de dire l'humain, dont le cynisme cache mal leur cœur endurci par la méchante ironie mordante : ci-joint la moquerie facile de Jacques Mailhot, chroniqueur dominical de La Montagne dont l'incontestable talent se met ici au service de la crispation réactionnaire (1) à propos du discours de Juliette Binoche, présidente du jury du festival de Cannes, ajoutant ainsi une insulte de plus au tombereau d'ordures répandu sur la toile (ici).
Il y a la voix qui s'élève enfin, alors qu'on désespérait de l'entendre, au beau milieu d'un État d'Israël en perdition morale : Yaïr Golan, dirigeant du parti Les Démocrates (ancien Parti Travailliste) a osé dire le 20 mai, dans une interview à la radio publique Kan : “Un état sain d'esprit ne fait pas la guerre aux civils, ne tue pas de bébés comme un passe-temps et ne se fixe pas d'objectifs tels que l'expulsion d'une population” (2). Pour la première fois, un responsable politique israélien dénonce le scandale de la situation épouvantable de Gaza et rejoint l'indignation du député et rabbin Gilad Kaliv fustigeant la Knesset le 24 décembre dernier (ici).
Nous sommes à un de ces moments de l'aventure humaine où nous risquons de basculer dans les ténèbres, où les dérives populistes se multiplient et où la tentation est forte de baisser les bras, de ployer sous la charge nauséabonde et de s'en tenir au pincement de nez en attendant des jours meilleurs.
C'est précisément ce que souhaitent les tenants de la force et de la violence érigées en principe de vie et c'est justement dans ces moments-là qu'il faut se tenir debout et entrer en résistance.