Qui se souvient de ce livre paru en 2003 exprimant d’abord la nostalgie de l'insouciante douceur de vivre des années 1970 à l’époque bien lointaine d’une royauté paisible et moderniste, puis dressant un tableau saisissant d’un Afghanistan en proie à des convulsions mortifères suivies de l’occupation étrangère ?
Entendons-nous bien : la douceur de vivre des nantis, riches pachtounes entourés des serviles hazaras et modernité des bourgeois de Kaboul, friands des mœurs occidentales tandis que les campagnes demeuraient sous le joug d’une pesante tradition ancestrale.
A propos des talibans, le père du narrateur lui disait : « Tu ne tireras aucun enseignement précieux de ces stupides barbus. Je pisse à la barbe de ces singes imbus de leur dévotion. Ils ne font qu’égrener leur chapelet et réciter un livre écrit dans une langue qu’ils ne comprennent même pas. Que Dieu nous aide si jamais l’Afghanistan tombe un jour entre leurs mains. »
Vingt ans après qu’ils furent chassés de la capitale, les talibans sont de nouveau entrés dans Kaboul.
Ils avaient cette fois promis une gouvernance inclusive et le respect des droits des femmes… selon la (leur) charia (*). Ô les femmes, éternelles victimes expiatoires de tous les « tu seras un homme mon fils ».
La rentrée scolaire des Afghans vient d’avoir lieu, filles et garçons strictement séparés, seuls ces derniers ayant accès à l’enseignement supérieur au primaire. Supérieur n'a rien de féminin et primaire leur suffit amplement n'est-ce pas.
La Communauté internationale retient son souffle et, tout en gémissant sur le sort d’une population accablée, s’inquiète surtout du nouveau flux migratoire à venir.
Quant à l’Union européenne, elle est piteusement inaudible et n’a même pas été consultée par le partenaire américain dans son retrait chaotique précipité. Mais, piètre consolation, elle partage avec lui la débâcle occidentale tandis que Chine et Russie ricanent en se frottant les mains.
Et pendant ce temps-là, en France, de téméraires manifestants dénoncent la dictature sanitaire qui les prive de la liberté de contaminer les autres et certains s'affublent de l'étoile jaune pour dire l'atrocité de leur situation (what else ?) tandis que d'autres agitent un "QUI ?" accusateur désignant à la vindicte le complot de la "la communauté que vous connaissez bien" (**).
Oh tu peux rire, charmante Elvire, les loups regardent vers Paris (***).
Les cerfs-volants s’en vont au loin, très loin de Kaboul, dont de sa liberté, il ne reste rien.
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(*) La Charia des talibans est une dérive sectaire délirante. Sur ce sujet complexe, voyez un article ici par exemple ou là parmi bien d’autres.
(**) Explication ici
(***) "Les loups sont entrés dans Paris" par Serge Reggiani (Paroles de Albert Vidalie, Musique de Louis Bessieres © EDITIONS MAJESTIC - JACQUES CANETTI - 1967